La meneuse de jeu

Le rôle de la MJ

La meneuse de jeu (MJ) est le pivot d’une table de jeu de rôle. Tu seras sans conteste le joueur le plus investi de la table. Là où l’attention des joueurs dans le jeu se concentre sur leur personnage-joueur (PJ), la MJ est une touche-à-tout qui jongle avec de multiples casquettes.

Préparation

Pour toi, le jeu commence bien avant le début de la partie : en effet, le manque de préparation est souvent la pire chose qui puisse arriver à une MJ. Parfois, le temps passé en amont des parties peut apparaître comme un rôle contraignant mais en fait la plupart des MJ qui consacrent un temps important à la préparation, notamment en créant leurs propres aventures, le font parce qu’elles en tirent un véritable plaisir. Cette phase créative et la liberté qui l’accompagne, dans la préparation et l’anticipation des réactions des joueurs, constituent une part essentielle des joies d’être MJ.

Immersion

La MJ, un peu comme une professeure dans un cours, est celle sur qui repose, en tout cas au début, l’ambiance de jeu autour de la table. Elle est responsable, par ses descriptions, de la façon dont elle incarne ses PNJ et dont elle sollicite les autres joueurs, et du ton qui sera donné à la partie. Cela peut se faire de différentes façons selon les qualités de la MJ et ce que la table attend du jeu. Certaines MJ sont de formidables conteuses, capables de faire voyager l’imagination en quelques mots. D’autres sont des amuseuses, des actrices, capables de faire vivre leurs PNJ de façon plus vraie que nature. D’autres attachent une importance particulière à la préparation de la table, avec des accessoires (un vieux chandelier et quelques bougies changent immédiatement une ambiance), de la musique, un lieu calme…

Médiation

La MJ peut aussi se définir comme une arbitre du jeu. Rappelons tout de même qu’en JdR, personne ne gagne ou ne perd. Ni les joueurs, ni les monstres, ni la MJ. Toutefois, dans l’interprétation des règles, dans l’arbitrage quand parfois un point de désaccord apparaît à la table, entre deux joueurs ou entre un joueur et la MJ, c’est la responsabilité de la MJ de trancher. Elle doit donc bien connaître les règles, même si rien n’interdit, au contraire, de s’appuyer sur la connaissance pointue de la règle d’un des joueurs. En aucun cas une connaissance supérieure de tel ou tel point de règle ne justifie d’outrepasser l’autorité de la MJ. Avec des nouveaux joueurs ou des joueurs à l’expérience du jeu disparate, la meneuse doit aussi être un appui et savoir faire preuve de pédagogie. Elle doit aussi être cohérente, appliquer toujours la même règle, expliquer pourquoi et être juste avec chacun des joueurs. C’est une responsabilité.

Un petit truc sur l’arbitrage

Cela ne sert à rien de s’engueuler comme du poisson pourri sur un point de règle, la vie est trop courte, et les parties de jeu aussi. La MJ tranche la question immédiatement et, ensuite, vous en discutez après la séance, le livre de règles à la main. Pas pendant la partie. En plus, une fois l’instant critique passé, les têtes sont plus froides et il suffit de vous mettre d’accord pour utiliser l’interprétation que vous choisirez ensemble dès la fois suivante, définitivement.

Les conseils élémentaires

Avant la première partie

Le matériel

Ne néglige pas l’organisation matérielle. Ces questions, laissées en suspens, peuvent devenir très parasites. Comme pour toute activité sociale, avoir défini à l’avance qui vient, à quelle heure et s’y tenir est fondamental. Choisis aussi le lieu de ta partie avec soin : une grande table pour que chacun ait de la place pour son matériel, un lieu où vous serez au calme et où vous aurez tout le loisir de faire un peu de bruit, de vous exprimer, est toujours un plus. Règle également les questions pratiques : que va-t-on manger et boire, qui amène quoi ? N’hésite pas à déléguer certaines de ces tâches à tes joueurs. En tant que MJ, tu es déjà très investie dans le jeu, il est souhaitable que tes amis te donnent un coup de main.

Assure-toi de disposer du matériel nécessaire, c’est-à-dire le contenu de cette boîte et que, dans l’idéal, chaque joueur, MJ compris, dispose de ses propres dés pour ne pas ralentir les phases de jeu où l'on utilise souvent ces accessoires indispensables, comme le combat. Enfin, prends aussi de quoi écrire. Joueurs comme MJ ont souvent besoin de papier libre, gommes et crayons pour prendre des notes sur la partie, s’échanger des infos et tenir le compte pour les PNJ comme pour les PJ d’éléments de jeu comme les points de vie, les sorts, etc.

Prends des notes

Quand tu es MJ (même quand tu es joueur), surtout si tes scénarios se déroulent sur plusieurs séances, il faut prendre des notes. Sur papier, ordinateur, téléphone, où tu veux. Les noms des PNJ croisés, les lieux importants, les événements, des détails, des pistes d’idées. Ces notes te seront utiles pour savoir où tu en étais lors de la dernière partie et pour préparer les épisodes suivants : comme dans une bonne série, tu pourras réintroduire des personnages que les PJ ont déjà croisés, continuer des intrigues à peine entr’aperçues auparavant, glisser les conséquences d’un événement passé. Tu peux aussi demander si un de tes joueurs serait d’accord pour prendre quelques notes. Il y a des joueurs qui aiment bien rédiger le journal intime de leur personnage.

Prêts ?

Assure-toi que les joueurs aient leur feuille de personnage à l’avance. Dans l’idéal, tu as pu échanger avec eux avant le début de la partie pour répondre à leurs questions. La première réunion de la table de jeu peut être dédiée à la création de personnage.

De ton côté, tu dois bien connaître ton scénario. Le minimum, c’est d’avoir lu le scénario entièrement deux fois. Un manque de préparation n’empêche pas de jouer. Mais le fait d’avoir à chercher dans le livret en permanence pour réagir à la moindre initiative ou question des joueurs peut totalement détruire la dynamique d’une séance et casser l’intérêt de tes joueurs.

Il est notamment très important d’avoir les idées claires sur les points-clefs du scénario : les PNJ ou monstres principaux : leur motivation, la façon dont tu veux les faire vivre à la table (réfléchis à une façon de parler, un tic de langage, un accent, une phrase choc ou même un accessoire) mais aussi leurs capacités techniques : dans ta tête, joue un affrontement avec le groupe, réfléchis à la façon dont tu pourrais jouer si la situation venait à se présenter.

Pendant la partie

Décris

Prends le temps de bien décrire les scènes où tu plonges les personnages. C’est par cet outil que tu feras naître des images mentales fortes dans l’esprit de tes joueurs. Dans les aventures de ce livret, on te propose un texte à lire aux joueurs. Surtout, n’hésite pas, si tu te sens à l’aise, à broder autour, à rajouter tel ou tel détail, à improviser un peu. C’est ton aventure, ton monde. Fais-toi plaisir.

Fais appel aux cinq sens des joueurs. « Vous progressez dans la forêt. Il fait très sombre, la lumière perce à peine la canopée des arbres (vue). Le sol est détrempé et chacun de vos pas s’enfonce de quelques centimètres dans un terreau humide (toucher). L’averse d’automne est lourde, glacée et provoque un bruit de fond en frappant les feuilles qui masque la moindre parole à plus de cinq mètres (ouïe). Une odeur de décomposition et de végétal envahit vos narines (odorat). »

N’hésite pas à avoir recours à des références partagées par toute la table. « Le bâtiment est colossal, un peu comme l’école de magie de Harry Potter, vous voyez ? » « La fille en armure est véritablement impressionnante, elle dépasse la plupart des autres chevaliers en taille, un peu comme Brienne de Tarth dans Le Trône de fer. »

En combat, n’hésite pas non plus à rendre les choses vivantes. Plutôt que de dire « le monstre t’attaque », « il te touche », « tu perds X points de vie », donne de la vie à tout ça ! « L’orque aux dents ébréchées s’avance vers toi en fendant l’air d’un coup de son énorme sabre rouillé ». « Il te touche, la lame s’enfonce dans tes côtes. La douleur est violente, tu perds X points de vie. »

De même, encourage tes joueurs à utiliser le décor et à décrire leurs actions. Encourager les joueurs, c’est simplement leur dire que ce qu’ils font est chouette mais ça peut aussi être de leur permettre d’obtenir l’avantage à une action sur une bonne idée.

Exemple : un joueur qui déclare : « Mon personnage attrape le lustre de l’auberge pour se jeter sur le capitaine des gardes », tu peux le récompenser en décidant que, pour faire ça, il doit réussir un jet de Dextérité (Acrobaties) mais que, s’il y parvient, il obtient l’avantage sur le jet d’attaque suivant contre le capitaine des gardes. Tu n’as pas décrit qu’il y avait un lustre ? Eh bien désormais il y en a un : ce serait dommage de dire à un joueur « non » alors que la scène devient chouette, tu ne crois pas ?

Fais un plan

La description, c’est super. Mais avec un plan dessiné, c’est encore meilleur. Un papier, un crayon et quelques traits permettent aux joueurs de mieux comprendre où ils sont et la physionomie des lieux. Par exemple, dans l’auberge, où sont les portes ? Les fenêtres ? Sur un champ de bataille, où est la forêt, où sont les rochers et où sont les cavaliers ennemis ? Un petit plan te fera gagner beaucoup de temps et évitera aux joueurs de te poser vingt fois les mêmes questions.

Laisse faire

Une fois tes descriptions posées, laisse la main aux joueurs. La magie du jeu de rôle s’opère dans l’esprit des joueurs au moment où tu prononces cette phrase pour la première fois : « Que faites-vous ? ». D’ailleurs, une MJ ne peut jamais vraiment utiliser trop souvent cette phrase. Prends le temps de dire ce que tu as à dire mais, ensuite, invite tes joueurs à prendre la main. Des variantes existent. « Qui fait quoi ? » « Qu’avez-vous dans les mains ? »

La séquence de jeu

En jeu de rôle, une séquence de jeu peut être modélisée ainsi :

  1. Description de la MJ
  2. « Que faites-vous ? »
  3. Action de joueurs et résolution
  4. Retour en 1.

Le rythme et le temps

Pour une MJ, il n’est pas désagréable de s’effacer ou d’être la spectatrice d’une discussion entre les joueurs. Parfois, c’est un excellent signe que le jeu a pris et que les joueurs sont actifs. Cependant, il est également de ta responsabilité d’intervenir à certains moments pour inviter tes joueurs à agir ou pour faire avancer l’histoire. « Très bien, cela fait une demi-heure en temps réel que vous discutez de votre plan d’attaque. Maintenant, dites-moi ce que vos personnages font. » Comme dans un film, le rythme est primordial dans une partie de jeu de rôle. Si tes joueurs patinent, ne savent pas que faire ni où aller et ne sont pas très actifs, le risque d’une partie « qui coince » est grand. Il faut absolument éviter ce genre de problème. Prévois toujours un PNJ ou un événement qui permet de combler ce temps mort et de relancer les joueurs sur une piste ou de les mettre à nouveau en mouvement.

Comment relancer ?

Des fois, les joueurs ont du mal à avancer et la partie rame, c'est normal. Si tes joueurs sont coincés, qu’ils ne savent pas quoi faire et que rien n’avance, il y a plein de solutions pour les aider sans leur donner l’impression de leur mâcher le travail :

  • Un jet de Sagesse (Perception) et tu leur donnes un indice qui les met sur la voie
  • Un jet d’Intelligence sur une compétence correspondante et tu les fais avancer sur un point qu’ils avaient raté.
  • Un personnage secondaire qui rappelle un élément d’histoire.
  • Un sbire des méchants qui suit les PJ, pas trop discrètement. Après la poursuite et le combat, c’est lui qui donne l’info ratée auparavant par tes joueurs.

Quand demander un jet de dé ?

Le sujet a été abordé dans les règles du jeu à la section « faire agir son personnage ». En général, quand tu n’es pas sûre du résultat de l’action, tu demandes au joueur un jet de dé. Cependant, il ne faut pas oublier plusieurs choses ! Il faut d’abord que ce jet de dé ait un intérêt, une importance pour l’histoire. Tu ne vas pas demander un jet de dé pour qu’un personnage soulève sa chope de bière ou pour trouver une taverne dans une ville. Il faut qu’il y ait de la tension dramatique. Les jets de dé, c’est pour les situations tendues. Ou en cas d’opposition. Ou encore si la réussite ou l’échec ont des conséquences importantes.

L’échec

Avant de demander le jet de dé, réfléchis à la conséquence d’un échec. « Mon personnage saute du balcon sur le fiacre du méchant », déclare un joueur. Très bien, mais si le personnage rate ? Le PJ pourrait rater le fiacre et tomber sur la chaussée. Il pourrait aussi tomber sur le fiacre mais avec un coût (perdre son arme ou se blesser quand même), selon que ton histoire demande ou non que le PJ soit sur le fiacre pour la suite, selon aussi le ton que tu veux imprimer à ta partie – réalisme ou épique ?

Tu peux aussi annoncer les conséquences au joueur : « Tu veux que ton PJ saute du troisième étage sur un fiacre lancé à toute vitesse. Si tu rates, il tombe sur le sol et se fait 2d6 points de dégâts. Est-ce que tu es sûr ? »

Quelques trucs de pro

Voici quelques astuces de MJ pour animer et surprendre tes joueurs une fois que tu auras pris un peu d’aise dans ta maîtrise du jeu :

L’ellipse : les PJ entreprennent un long voyage au cours duquel rien n’est prévu ? Passe directement à la suite. Par exemple : « Après trois jours de voyage, vous arrivez enfin à Eiren’Syl. »

Le flash-back : pour expliquer quelque chose dans ton histoire, ajouter un élément passé ou éclairer un moment sous un jour nouveau, le flash-back consiste à raconter une scène qui s’est déroulée auparavant. « Il y a deux semaines, vous étiez dans une taverne sur le port. Un marin étrange s’est assis à votre table et vous a proposé une mission. C’est la raison pour laquelle vous vous rendez à Eiren’Syl aujourd’hui. Cette mission, c’est… »

Le cliffhanger : littéralement « pendu à la falaise », c’est une technique narrative très utilisée dans les histoires en épisodes : tu arrêtes l’histoire sur un moment de suspense, de doute, qui va tenir tes joueurs en haleine jusqu’à la séance suivante. « Après toutes ces péripéties, vous entrez enfin dans la salle au trésor du Roi Squelette et… Et je pense qu’on verra ça la prochaine fois. »