Intéractions sociales

La vie d’aventurier ne se limite pas à traverser des forêts hostiles, piller des trésors fabuleux et combattre des monstres terrifiants. Les interactions sociales avec les autres habitants du monde, typiquement désignés personnages non-joueurs (PNJ), forment également l’un des piliers du jeu.

Les interactions sont nombreuses dans le jeu : les personnages peuvent négocier une meilleure paye pour une mission, présenter au roi les preuves du complot ourdi par ses conseillers, convaincre un dragon qu’ils n’en veulent pas à son trésor, négocier un droit de passage dans le marécage tenu par une tribu d’hommes-lézards, éviter un bain de sang en jouant les négociateurs entre plusieurs tribus barbares, séduire un diplomate pour le détourner de sa mission et bien d’autres choses encore.

L’attitude d’un PNJ envers un personnage peut être caractérisée d’hostile, neutre ou amicale. Un personnage a bien entendu de meilleures chances d’obtenir ce qu’il souhaite auprès d’une créature amicale, mais des talents de négociateur et un charisme suffisant peuvent modifier l’attitude d’un PNJ.

Les interactions sociales peuvent se régler de bien des manières : par l’interprétation du personnage ou en effectuant un ou plusieurs tests de caractéristiques, par exemple. Mais il est tout à fait possible de mêler les deux approches au sein d’une troisième voie.

Interprétation

L’interprétation d’un personnage, parfois appelé roleplay, passe à la fois par l’interprétation de sa personnalité et par la cohérence des choix que le joueur fait pour lui. C’est le joueur qui détermine ce que dit et accomplit son personnage, mais cela nécessite de se mettre le plus possible à sa place. Interpréter son personnage, c’est essayer d’agir avec cohérence et en tenant compte des valeurs du personnage.

L’interprétation n’est pas uniquement importante pendant les scènes de dialogue. Le comportement en combat du personnage, notamment, devrait toujours correspondre à sa personnalité : est-il courageux ? Prêt à prendre un risque pour un autre personnage ? Est-ce qu’il fuit ? Est-ce qu’il commence à ramasser les trésors alors que ses compagnons sont encore en danger ?

Bien entendu, les interactions sociales restent le moment où la personnalité d’un personnage est particulièrement mise en avant. C’est donc le moment privilégié pour l’interprétation. Comment interpréter au mieux un personnage ? Il existe deux grandes façons de faire, et aucune n’est meilleure que l’autre. Chacun adoptera celle qui lui conviendra le mieux, sans hésiter à mêler les deux approches.

Incarner

À la façon d’un acteur de théâtre, le joueur parle à la première personne et tente de montrer à la table les émotions ressenties par son personnage au cours des interactions sociales. Le joueur décrit les actions et les attitudes de son alter ego et prononce ses paroles à la première personne.

Meneuse : La cheffe de la guilde des voleurs vous examine de son seul œil valide. Sans prononcer un mot, il semble évident que son regard signifie « qu’est-ce que vous faites ici ? »

Joueur (incarnant Jamba) : Je m’avance de quelques pas dans une attitude visiblement amicale. Je la salue de la tête et je dis « Madame, n’ayez aucune inquiétude, nous venons en paix apporter une bonne nouvelle et vous faire une proposition que vous ne pourrez, je l’espère, refuser ».

Certains joueurs aiment « rentrer » dans leur personnage en modifiant leur voix ou leur façon de parler, en prenant un accent, par exemple. D’autres aiment mobiliser aussi leur langage corporel. Se tenir bien droit à la table ou avachi, parler avec les mains, pencher la tête, avancer le menton, loucher sont autant d’exemples qui peuvent permettre de jouer le personnage. Enfin, un ou deux accessoires bien choisis (un chapeau, un collier, un foulard) peuvent également offrir un support pour l’incarnation de votre personnage.

Décrire

Certains joueurs préfèrent parler de leur personnage à la troisième personne, notamment lorsqu’il s’agit de décrire son ressenti et ses émotions. Il est alors nécessaire d’insister sur les intentions du personnage. C’est au joueur de faire apparaître, par sa description, une image mentale commune dans l’esprit de la meneuse et des autres joueurs. Il décrit ce que son personnage fait, comment il le fait, en parlant à la troisième personne du singulier.

Le père de Dehva, un autre personnage présent dans la même scène, a été assassiné alors qu’il enquêtait sur la cheffe de la guilde des voleurs. Il en a gardé une haine tenace contre l’organisation criminelle et la femme à sa tête. Alors que son compagnon prend la parole, le joueur dit « Dehva croise les bras et prend une attitude hostile. Il ne quitte pas la cheffe des yeux, de son regard le plus menaçant, et marmonne une insulte, trop bas pour être clairement entendue, mais sur un ton qui ne laisse aucun doute sur le contenu ».

S'imprégner

Pour interpréter son personnage, il est important de s’imprégner de sa personnalité afin de baser ses décisions sur cette dernière. Plutôt que d’agir en fonction de la manière la plus logique du point de vue du joueur, l’interprétation d’un personnage, c’est agir en fonction de ce que penserait cet alter ego. Bien entendu, le respect des autres joueurs et de la cohérence de la fiction qui se déroule pendant la partie doit primer sur des choix trop drastiques.

Le joueur qui incarne Dehva sait pertinemment qu’insulter la cheffe de la guilde met en péril les négociations à venir. Mais il préfère interpréter son personnage jusqu’au bout et ne pas cacher sa haine. Cependant, sachant que le groupe a réellement besoin et envie de faire aboutir les négociations, il choisit, après sa première insulte, de laisser la conversation se dérouler et de rester en retrait. Il aura d’autres occasions d’interpréter sa haine de la guilde.

L’interprétation du personnage ne se limite pas aux scènes d’interactions sociales. Même si les règles prennent une plus grande importance pendant les scènes d’action, elles représentent aussi une occasion pour interpréter son personnage et baser ses actions, non pas sur la tactique la plus évidente en termes de règles, mais sur des choix conscients basés sur la personnalité du personnage.

Plus tard dans le scénario, la situation a tourné au vinaigre entre le groupe et la guilde des voleurs. Lors d’un combat, le joueur qui incarne Dehva sait que le meilleur choix, d’un point de vue tactique, serait d’utiliser le sort boule de feu pour éliminer plusieurs brigands, ce qui faciliterait le combat pour tout le monde. Mais se basant sur la haine de Dehva pour la cheffe de la guilde, il préfère tenter d’utiliser un rayon ardent sur cette dernière.

Conséquences

Quelle que soit la façon dont le groupe conçoit l’interprétation, ces moments de jeu ont un impact fort sur le déroulement d’un scénario. Selon la façon d’agir, de parler et de se comporter des personnages lors des interactions sociales, la meneuse fait réagir ses PNJ en conséquence. Ces derniers possèdent leur propre personnalité, des qualités, des défauts, des aspirations, des peurs et des objectifs. L’histoire progressera lors de cette conversation entre la meneuse et les joueurs, chacun interprétant au mieux son personnage ou ses PNJ de manière cohérente.

Malgré le choix tactique douteux de Dehva, le groupe parvient à mettre hors combat la cheffe de la guilde. La meneuse interprète alors les autres brigands de manière cohérente par rapport à leurs objectifs. Plusieurs se rendent, préférant négocier leur vie ou leur liberté plutôt que se battre pour une organisation qui va sombrer dans l’oubli. Mais deux d’entre eux continuent le combat, aveuglés par leur fidélité sans faille envers leur cheffe et la volonté de la venger. Une fois ces deux PNJ téméraires mis hors d’état de nuire, la partie peut se poursuivre par la négociation avec les survivants, ou leur interrogatoire.

Utiliser les caractéristiques

Si les interactions sociales peuvent être totalement gérées par l’interprétation, on peut également y faire intervenir les caractéristiques et les compétences des personnages. Après tout, le joueur qui interprète un personnage lors d’une scène de négociation n’a pas lui-même à être un orateur hors pair, tout comme le joueur qui incarne un voleur n’a pas à être un expert en crochetage de serrures.

Certains groupes se reposent entièrement sur l’interprétation des personnages. D’autres utilisent uniquement des tests de caractéristiques dont le résultat est interprété par la meneuse. La plupart utilisent une voie médiane qui combine les idées et le talent des joueurs et les aptitudes de personnages. Cette voie médiane peut, elle aussi, prendre plusieurs formes.

Une première manière de faire est de commencer la scène par l’interprétation des personnages (que les joueurs choisissent de décrire les attitudes et paroles de leur alter ego ou qu’ils le jouent à la première personne). Selon les intentions des joueurs et la qualité de ce qu’ils proposent, la meneuse demande alors un test de Charisme, souvent assorti d’une compétence telle qu’Intimidation, Persuasion ou Supercherie pour déterminer le résultat de la scène. Si la meneuse juge les propositions des joueurs très pertinentes dans le contexte de l’interaction jouée, elle peut octroyer l’avantage au test. À l’inverse, si les joueurs choisissent une mauvaise option ou disent des choses à même de vexer leur interlocuteur, la meneuse peut leur imposer le désavantage.

Une autre optique consiste à effectuer le test de caractéristique avant de jouer la scène. Aux joueurs et à la meneuse d’interpréter leur personnage et les PNJ en fonction du résultat obtenu.

Le groupe participe à une réunion entre diplomates dans le but d’éviter l’escalade d’un conflit. Leur but est de persuader un duc de retirer ses troupes d’une zone frontalière. La meneuse demande un test de Charisme (Persuasion) au joueur qui prend la parole. Ce dernier obtient un excellent 19. La meneuse et le joueur jouent alors la scène en sachant que le duc entendra raison. À l’inverse, s’il avait obtenu un faible 7, ils auraient joué la scène pour aboutir à ce que le duc campe sur ses positions.